Bienvenue chez les Ch'tis / Dany Boon, France- 2008
Bien que fort sympathique, entre les déçus et ceux qui, modestes, réfléchissent et se rendent rapidement compte que le film n'est drôle qu'à la 1ere vision, il est clair que le succès du film n'est du qu'à la période à laquelle il sort, et rien d'autre.
Analysons succinctement le film pour nous rendre compte de la banalité et de l'inoffensivité du film.
L'introduction, molle et bas de plafond (voire beauf comme les films Onteniente/Dubosc), nous raconte ce que nous savons déjà: un parisien de base va finir dans le Nord. 15 minutes d'exposition particulièrement peu drôle, où se succèdent 2 blagues très peu fines (on appréciera la débilité du 'c'est les mômes qui ont du me crever les pneus du fauteuil roulant', suivi du faux handicapé qui se lève pour serrer la main, que ceux qui ont été surpris lèvent la main - ah, y en a un au fond je crois - ).
S'en suit les passages navrants avec sa femme (je l'aime plus, mais je reste avec, et toute la trame du film est là-dessus quand on y pense).
Ensuite, il va dans le Nord donc. Michel Galabru : pas drôle, et vendu par la bande-annonce. La pluie sur l'autoroute : pareil. L'arrivée de Dany Boon, bis repetita. 1er rire (un vrai en plus) à la 28e minute (ah bah, oui, à ce niveau d'ennui, je fais le décompte moi), avec 'on est toujours dans le Nord ? ah bah c'est une maison, pas une péniche'.
Et là, c'est le drame. L'arrivée de Line Renaud. Et on comprend alors ce que va être tout le problème du film. Elle joue très mal (mais ça, c'est surtout qu'elle) mais surtout, on comprend rien de ce qu'elle raconte ! Alors, c'est ptet drôle 5 minutes, mais regarder tout un film où le ressort comique repose intégralement là dessus, ce serait comme se taper 1h30 de mecs qui se lancent 1 tarte à la crème à la tronche toutes les minutes. Et comme on comprend rien en plus, ce serait en tchèque et sans sous-titres.
S'en suit les intermittences beaufs de sa femme et ses amis. Puis les incompréhensions linguistiques récurrentes. Et au final, le passage du 'on trafique pour faire croire à ma femme qu'ici c'est l'enfer', d'une stupidité sans nom puisqu'en fait, au lieu de détourner les clichés sur le Nord, Dany Boon ne fera à chaque que s'y enfoncer un peu plus (car c'est pas en disant en 30 secondes à la fin 'en fait, on est sympas dans le Nord, et il fait beau de temps en temps' qu'il va les exploser, les clichés). Tout ça pour nous dire qu'en fait, c'est la femme qui est dépressive.
Ah bon, c'est ça la chute du film ?
Au final, pourquoi 20 millions ?
Parce que les gens préfèrent voir du cinéma dit populaire. Pourquoi populaire ? Parce que les gens vont le voir. Vous voyez le problème ? Personne ne saura dire comment c'est parti. Parce qu'en fait, des films pas à gros budget, y en a quand même des beaucoup mieux. Des drôles même. Des très fins aussi et surtout. Mais, semblerait que la morosité soit au plus fort, alors les gens veulent du bonheur et du rire en IV.
Moralité: pour faire une comédie qui marche, faites des études de marché avant.
[Note : 25 %[/c]
Mais, ce n'est pas tout.
Encore une fois, il suffit de voir les études faites autour du phénomène pour se rendre compte que c'est plus l'ambiance actuelle en France que la qualité intrinsèque du film qui contribue à son succès.
Alors oui, avant y avait des cinémas partout, mais maintenant, y a des multiplexes de 14x500 places. Et même si le principe n'est pas le même, ce n'est pas là les maths, c'est les 850 copies. Forcément, avec ça, même Taxi 4, Asterix aux jeux olympiques (tellement olympiques qu'il y a plus de gens du sport et d'argent que d'acteurs) et Camping peuvent faire 7 millions avec des chutes de fréquentations -50% chaque semaine.
Alors, effectivement, les chiffres de La grande vadrouille sont faits avec la ressortie de 1966. Il n'empêche que le classement est plus symbolique qu'autre chose, et que l'aura des Ch'tis n'est clairement pas à la hauteur du chef d'œuvre intemporel de Gérard Oury.
Fin bon, toute façon, depuis le box office où j'avais vu:
1) Les bronzés 10M
2) Camping 7M
3) Da Vinci Code 4.5M
4) X Men 3 3.5M
Plus bas, Brokeback Mountain 1.8M
Volver 1.6M
J'ai arrêté de pleurer face à ces chiffres incompréhensibles. Si le nombre de spectateurs étaient proportionnels à la qualité d'un film, de toute façon, ça se saurait, mais faut quand même bien remarquer qu'en ce moment, on bat des records. Et quand j'ai entendu aux Césars 2006 'Ne le dis à personne, énorme succès au BO avec 2.2M', là, j'ai vraiment eu mal en cœur en voyant ces chiffres.
Alors, si le succès des Ch'tis est exagéré, combien d'autres films auraient, eux, mérité plus de spectateurs ?
Bien sûr, on ne peut pas comparer les Ch'tis au cinéma d'Almodovar, par exemple, mais faut quand même bien avouer que d'un point de vue objectif, la qualité du cinéma de l'Espagnol est quand même largement au-dessus du film de Boon. Alors, oui, au final, c'est puéril, mais faut quand même bien avouer que, cinématographiquement parlant, les Ch'tis, ça vole pas haut. Quitte à se vider la tête, autant se mater du Max Pecas en boucle ? Si c'est pour mater un film dont le niveau d'implication du spectateur est le même que devant Video Gag... Et puis, dans la filmo d'Almodovar, Volver est quand même un des ses films les plus accessibles. Alors dire que c'est du cinéma intellectuel, c'est pas du Godard non plus. Comme je le dis souvent, si le nombre de spectateurs étaient proportionnel à la qualité des films, le Box Office n'aurait jamais été le même. Et ça se saurait.
Un film fait rire. D'accord. Mais sincèrement, y a-t-il eu ici une seule analyse du pourquoi du rire ?
Le rire ne vient pas comme ça. Faire rire à répétition non plus. Chaplin ou Keaton l'ont prouvé, Kubrick et Sellers plus tard et d'autres aujourd'hui. Faire rire au cinéma sans ennuyer le spectateur est une science.
Alors, là où des dizaines d'analyse de séquences du Corniaud (pour comparer 2 films du même genre) ont fleuris, expliquant comment Gérard Oury, Bourvil et De Funès ont réussi avant tout un grand film plus même qu'une grande comédie, y a-t-il eu un seul décorticage pour Les Ch'tis ?
Non, la seule que l'on a eue c'est 'Les Français en avaient besoin'. Bien maigre récompense pour le film, d'ailleurs, puisque s'il avait eu les mêmes qualités intrinsèques que La grande vadrouille, ce sont surtout sa narration, son rythme, sa réalisation ou son jeu d'acteurs qui auraient été félicités. Dommage pour eux donc.
Alors, m'est bien avis que dans 20 ans, non, on n'en parlera plus, que l'on se demandera pourquoi. On ressortira nos analyses socio-culturelles et non pas Première ou Studio. Pis on se rendra compte que tout ce qu'on a retenu du film, c'est Dany Boon, le maroilles et 'Heiiiiiiiin ?'. Bref, on va pas aller loin.
Bref, aujourd'hui, du petit film sympathique mais oubliable, Les Ch'tis sont devenus un rouleau compresseur disproportionné, à tel point que les défenseurs ne peuvent réellement argumenter des exceptionnelles qualités du film.
Mais le gros problème avec ce film, c'est que, depuis, personne défendant le film n'est capable :
1) d'avoir une échelle claire des chiffres. Quand on leur explique qu'un film comme Ne le dis à personne ('blockbuster français', a-t-on fit aux Césars à l'époque) a claqué le BO ya 2 ans avec 2.2M, on se fait rire à la gueule. D'ailleurs, peu de défenseurs sont enclins à comprendre qu'il y a de nombreux films qui, eux, auraient bien mérités une partie des spectateurs des Ch'tis. Problème: je ne sais pas quelle frange de la population le film a surtout touché, mais quand je propose, au hasard, du Almodovar ou du Allen, je me fais traiter (je cite) 'd'intellectuel pensant détenir la vérité toute puissante'. Marrant de me l'asséner comme une vérité absolue d'ailleurs.
2) d'expliquer clairement et avec précision la mécanique du rire dans le film qu'ils viennent de voir. En gros, hormis la distribution bourrée en vélo et le gag (on peut pas vraiment dire 'running', on dira only-gag) du patois incompréhensible, tous semblent s'être fendus la poire pendant 1h30 avec seulement 3 blagues (étrange donc). Pourtant, personne ne s'offusque de se voir servir une seule chose comme seul élément comique pendant tout le film. A côté de ça, je viens de remater The Party de Blake Edwards. No comment.
3) de se replacer face aux films qu'ils viennent de détrôner, i.e. La grande vadrouille et Le corniaud. Tous disent que les chiffres ne sons pas comparables car l'époque n'est pas la même, l'accessibilité aux cinémas étaient plus simples, et blablabla. Or, ils vont alors contre leur propre sens, puisque si c'était plus simple avant, comment Les Ch'tis ont-ils pu faire mieux ? (surtout à 10€ la place)
4) d'avoir des vrais arguments face à l'absence de qualités artistiques d'un film doté d'une mise en scène tout à fait banale et d'un jeu d'acteurs qui l'est tout autant, ce qui, en temps normal, aurait surtout sied au TVfilm de la semaine de France 2.
5) de se rendre véritablement compte de l'enfermement du film dans sa tentative de retourner les clichés. Or, à part les utiliser tout du long, jamais Boon ne les casse. Au final, Les Ch'tis parlent comme des paysans, bouffent du fromage qui puent et s'en foutent, peu sont décrits comme ayant des postes à responsabilités et en plus, ils picolent comme des trous. On en vient à se demander pourquoi Kad est si triste de les quitter (ah oui, c'est vrai, il est heureux de retourner vivre avec sa femme dépressive qu'il n'aime plus).
On pourra dire tout ce qu'on veut, sur le symbole de l'Occupation dans La grande vadrouille, la présence du trio Bourvil-De Funès-Oury, mais cela n'enlève pas le fait que le film est avant tout une grande comédie, mais avant tout un grand film point.
Les Ch'tis, s'ils sont sympathiques, n'ont que ça pour eux, et ça fait pas lourd. M'est avis que, dans quelques années, le succès du film sonnera comme une chose incompréhensible. D'ailleurs, d'aucun analyseront la substance même du film comme moteur de son succès, mais semble plus intéressé par l'influence du moral actuel des Français. Plutôt explicite donc.