Twin Peaks / David Lynch & Mark Frost, USA - 1990
Twin Peaks, c'est la base de tout. La base des trucs de furieux, incompréhensiblement bons. La base aussi des villes paumées aux histoires pas possibles. Vous pensiez que
Desperate Housewives avait tout inventé ? Vous êtes bien loin du compte. 10 ans plus tôt,
David Lynch créait tout, et comme toujours, nous retournait le cerveau à un tel point qu'aujourd'hui encore, certains essaient toujours de comprendre certains points de l'intrigue.
En effet, en partant d'une punchline simple, le meurtre d'une jeune fille,
Laura Palmer, à première vue sans histoires, dans un bled paumé à première vue sans histoires, ce cher
Lynch prend un malin plaisir à nous torturer. En distordant (à l'époque) le temps de la narration (1 épisode correspond à un jour d'enquête, à compter d'un épisode par semaine, la dilatation temporelle s'effectue très rapidement et semble alors figer le temps), il pose l'intrigue comme intemporelle, et aussi sur-temporelle. En ajoutant en plus une dimension mystique avec les techniques de transcendantalisme de l'agent du FBI protagoniste
Dale Cooper,
Lynch accroît encore la distance entre réalité et rêve, tout en cherchant non pas à fuir la réalité, mais à la confondre avec le rêve. A partir du moment où
Cooper résout certains points grâce à ces rêves, faisant intervenir tout de même un géant, un nain parlant à l'envers ainsi que
Cooper lui-même, mais avec 25 ans de plus, la frontière est alors définitivement brouillée (un peu comme dans le
Ubik de
K. Dick).
Se foutant cependant assez rapidement du meurtre en question, on comprend rapidement (enfin, faut le savoir un peu quand même) que ce n'est qu'un prétexte pour s'immiscer dans les histoires louches et impossibles de toute la ville, sorte de Sodome et Gomorrhe soft. On se retrouve alors dans un espèce de soap, où tout le monde serait bien dérangé. Entre des parents au bord de la folie (enfin, non, en plein dedans plutôt), une femme qui trimballe une bûche de bois comme si c'était son bébé, des ados qui sont tout sauf sages, drogue, sexe, alcool, etc. Tout est bon pour nous faire comprendre que cette ville brumeuse a bien des secrets à révéler.
Toutes ces histoires et leurs techniques de résolution ne sont cependant pas à prendre au 1er degré. En effet, s'il subsiste toujours un sérieux incroyable dans cette série, l'humour (noir, bien sûr) reste de mise. On retiendra à jamais la performance sublime de
Kyle MacLachlan, irrésistible
Dale Cooper, sorte de jeune premier incroyablement charmant, intelligent (observateur surtout), mais particulièrement décalé. Féru de tartes et de café, parlant sans cesse à son microphone qu'il appelle affectueusement
Diane (est-ce une assistante réelle ? Personne ne le saura jamais), il est la clé de voute de la série. Cependant, chaque personnage est une métaphore, une parabole à lui seul, et chaque indice récurrent est un clé qui va dans une serrure d'une des portes, sans que l'on sache jamais vraiment qui que quoi. C'est aussi ça, la magie de
Twin Peaks. Ainsi, si vous êtes capable d'oublier les spoilers, je vous conseille fortement de vous renseigner au maximum sur le web, de façon à déjà connaître les tenants et aboutissants de l'histoire avant de vous lancer. Vos approche et analyse n'en seront que plus poussées.
Enfin, d'une beauté plastique incroyable, chaque plan est à couper le souffle. Il est clair que l'on est face à un objet filmique qui aurait tout à fait eu sa place sur un grand écran, et cela transparait dès le fabuleux (et 100% zen) générique d'ouverture. La partition d'
Angelo Badalamenti fait elle aussi des miracles, et les thèmes récurrents de la série sont entrés dans le patrimoine.
Sur un point de vue plus technique maintenant, il faut bien remarquer que c'est seulement maintenant, et avec environ 3 ans de retard que la série sort chez nous en DVD. Un tour d'horizon du carnage que fut sa diffusion et son exploitation s'impose.
Au préalable commandée par ABC, un pilote d'1h30 (un double épisode donc) fut diffusé. Puis, un reste de 7 épisodes de 45 minutes a constitué la saison 1. Ce 1er run, extrêmement marketisé, vendu comme LA série de
David Lynch, alors en pleine montée de puissance, fut largement suivi. Lorsque la saison 2, composée de 22 épisodes, fut diffusée, ce fut la claque. Les audiences se sont effondrées littéralement, celà pour plusieurs raisons. Tout d'abord, du fait de l'abandon progressif de l'intrigue du meurtre de
Laura Palmer. Résolu dans le 14è épisode de la saison 2, l'identité du meurtrier fut en plus éventée par une chaîne concurrente qui a voulu en finir en plus vite. Ainsi, le reste de la saison est quasiment passé inaperçu.
Mais les choses ne s'arrêtent pas là. En effet, le pilote a ensuite été acheté en Europe, spécialement en France. La série fut diffusée sur la 5, et a eu un succès plutôt grand. Cependant, lors de sa sortie en VHS à l'époque, le pilote est alors sorti dans une version européenne. En gros, pendant genre 1h10, il y a aucun changement, et tout d'un coup, on se retrouve avec des morceaux de l'épisode 3, puis la résolution de l'intrigue ou presque !
Ensuite,
Lynch a décidé, pour prolonger l'univers, de faire un film, un prequel plus exactement. Si la série est sur la mort de
Laura Palmer, le film est sur la dernière semaine de sa vie. Malheureusement, le film étant un trip sous champi hallucinogènes, il ne trouve pas son public, malgré des projections à Cannes. On se retrouve alors avec un film qui sera remonté et exploité sous un autre nom que celui d'origine (Fire Walks With Me devient Les derniers jours de Laura Palmer) et un pilote remonté qui, du coup, pique presque des morceaux du film !
Fin du fin, La 5 coule, comme tout le monde le sait, et les droits sont alors plus ou moins perdus (
Lynch étant, en plus, tout sauf coopératif quand il s'agit de refiler du matos pour son travail), et ils tombent dans les mains de CBS, qui sort le pilote à part, puis la saison 1et enfin la 2. Le tout dans une qualité démentielle. Piste DTS (la série fut la 1è tournée dans ce format sonore), image resplendissante, bonus tous intéressants et dans le ton de la série, ET surtout, les intro de la femme à la bûche. Chez nous, TF1 Vidéo se retrouve en négociations pendant le temps qu'on lui sait (soit 3 ans donc), repoussant sans cesse la date, pensant à chaque fois avoir les droits. Mais non. Finalement, après la sortie de la saison 1 en septembre, l'intégrale de la série sera enfin disponible chez nous d'ici avec la sortie de la saison 2 le 6 décembre 2007, à une nuance près: elle sera divisée en deux coffrets (2x4 DVD, soit 2x40€). Pourquoi ? Pour faire des thunes. En plus, un coffret intégrale+livre inédit sera vendu d'ici en gros 1 an. Technique commerciale éhontée donc.
Quant au film,
Fire Walks With Me, une 1è édition est sortie il y a maintenant 1 an chez MK2. Cette édition se voulait collector, elle ne l'est absolument pas. Sauf d'un point de vue de la qualité technique, tout est en stand-by. Cependant, une VRAIE collector est prévue peut-être d'ici quelques mois. Cela dit, le film est aussi une arlésienne du DVD, alors ne nous pressons pas.
En attendant, ne cherchez plus. COUREZ VOUS PROCUREZ
TWIN PEAKS AINSI QUE
FIRE WALKS WITH ME (mais n'achetez pas le DVD, débrouillez-vous autrement ^^). Vous serez face à la meilleure hallucination que le petit écran ait connu. Certainement une des oeuvres les plus abouties de
Lynch, et en tout cas, la plus fascinante.
Quelques adresses, histoire de partir du bon pied:
- le site officiel
twinpeaks.org/- la partie du site officiel de
Lynch,
lynchnet.com- un 2è site officiel (?)
cenedra.com/twinpeaksmain.htm- la "gazette de Twin Peaks"
twinpeaksgazette.com- le site français de fan
twin-peaks.fr- le dossier de chez fluctuat.net
fluctuat.net/4020-Twin-Peaks- le site de lancement US de l'édition DVD défintive
greetingsfromtwinpeaks.com- et enfin, la pétition pour les scènes coupées du film
www.geocities.com/fwwmfight/indexfr.html